Des chercheurs de l’université de Stanford ont mis en évidence deux gènes qui jouent probablement un rôle dans les causes de l’adénome de la prostate.
Pour mémoire, l’adénome prostatique correspond à une augmentation de volume de la prostate pouvant entraîner des troubles urinaires et sexuels chez les hommes âgés de plus de 50 ans. Si cette pathologie courante est bénigne, elle n’en reste pas moins handicapante et ses causes n’ont pas encore été établies avec précision.
Une étude sur les causes de l’hypertrophie prostatique
Des scientifiques de la faculté de médecine de Stanford ont réalisé une nouvelle étude permettant de déterminer un modèle moléculaire, et ont pu découvrir deux gènes qui joueraient très probablement un rôle dans l’apparition de l’adénome de prostate. L’équipe a également mis en évidence une croissance cellulaire (responsable de l’hypertrophie prostatique) non homogène. Cette étude est une des premières à noter une différence entre un tissu de prostate hypertrophiée et un tissu normal d’un point de vue moléculaire. L’augmentation anormale de volume semble être en relation avec la prolifération de certaines cellules composant la prostate, et pas seulement d’une multiplication de toutes les différentes cellules prostatiques. Toute la prostate n’augmente pas de volume de façon homogène, comme l’affirme James Brooks, urologue et coauteur de l’étude. Seules certaines zones se dilatent alors que les autres restent pour leur part inchangées.
Selon J. Brooks, les précédentes recherches se sont portées surtout sur les mutations génétiques ou les facteurs de croissance qui pourraient influer le développement cellulaire anormal de la prostate, sans pour autant détacher de réelles causes à cette évolution.
Génétique et prostate
Les chercheurs impliqués dans l’étude ont adopté une approche différente, en étudiant les prélèvements anatomopathologiques chez 49 patients ayant subi une prostatectomie. Une analyse génomique a permis aux scientifiques de comprendre le développement hypertrophique de la prostate : la plupart des cellules proliférant au sein d’une prostate hypertrophiée seraient surtout constituées de deux types : les cellules épithéliales et les cellules stromales, au détriment des autres cellules. C’est-à-dire que les types de cellules identifiés comme « proliférateurs » prennent la place des cellules restantes, modifiant la composition de la prostate. Les chercheurs ont nommé ce phénomène « repoussage cellulaire ». Ce remplacement cellulaire est probablement relié à la progression de la pathologie, et il semblerait que l’un des types de cellules présents en grand nombre influe sur la régulation de la croissance et du développement des cellules épithéliales.
Par ailleurs, les auteurs ont comparé les gènes présents dans des échantillons de prostates hypertrophiées et des échantillons de prostate de taille normale, afin de comparer l’état moléculaire de tissus normaux vs. tissus hypertrophiés. Ces données ont permis de mettre en évidence 65 gènes identifiés sur les échantillons de prostate hypertrophiée, pouvant être impliqués dans l’adénome de prostate. Cette signature génétique n’est pas représentée dans les échantillons de tissus sains. Les scientifiques rapportent également que chez les patients porteurs d’adénome prostatique (et dont les tissus prostatiques étaient porteurs de cette signature génétique), les symptômes étaient plus importants.
S’il s’agit, à ce stade, uniquement de mettre en évidence une corrélation entre ces éléments, les chercheurs ont cependant pu identifier deux gènes fortement impliqués dans le développement de l’adénome de prostate. Il s’agit du CXCL13, protéine impliquée dans le recrutement des cellules immunitaires, et du BMP5, molécule liée à l’identité et au développement cellulaire. Si le BMP5, lui, est facile à manipuler, la difficulté a été de modéliser en laboratoire les effets du CXCL13. Les scientifiques ont alors “truqué” un essai afin de vérifier que l’ajout de BMP5 en plus forte quantité pouvait être responsable de la modification des caractéristiques du tissu prostatique sain. Les résultats montrent que le tissu prostatique sain pouvait bien être porteur de la signature du gène 65, retrouvée habituellement dans les hypertrophies prostatiques, et pouvait même proliférer.
Symptômes et diagnostic de l’adénome de prostate
On estime que l’adénome prostatique survient chez 50 % des hommes âgés de plus de 50 ans. Cette prévalence augmente avec l’âge. Le volume normal d’une prostate est à peu près équivalent à la taille d’une noix. Ce volume peut doubler dans les cas d’hypertrophie prostatique.
L’hypertrophie prostatique ne comporte pas de danger vital pour le patient. Cependant, en s’élargissant, la glande comprime l’urètre et peut causer une symptomatologie inconfortable telle que :
- incontinence urinaire ;
- pollakiurie nocturne et diurne ;
- dysurie ;
- besoin urgent d’uriner ;
- et dysfonction érectile.
Ces symptômes peuvent être très handicapants au quotidien, et dans les cas les plus extrêmes se transformer en insuffisance rénale. Les traitements actuels sont purement symptomatiques : ils agissent sur les symptômes, mais pas vraiment sur les causes de l’adénome prostatique.
Les résultats de cette étude permettent d’entrevoir des recherches plus poussées pour comprendre le fonctionnement des deux gènes prétendument responsables de l’adénome de prostate. Les traitements de cette maladie pourraient bien évoluer de façon significative afin d’agir sur les causes de l’adénome de la prostate.
Sources :
- Two genes implicated in development of prostate enlargement – basés sur les recherches du « Stanford University Medical Center » :https://medicalxpress.com/news/2019-06-genes-implicated-prostate-enlargement.html
- L’analyse génomique de l’hyperplasie bénigne de la prostate et le rôle du remodelage cellulaire dans la pathogenèse de la maladie. Lance W. Middleton et al. JCI Insight (2019).DOI: 10.1172/jci.insight.129749
Le Dr André Philippe Davody est Chirurgien Urologue, inscrit depuis 1984 au tableau de l’Ordre des Médecins de la ville de Paris, spécialiste en chirurgie générale, en chirurgie urologique ainsi qu’en chirurgie robotique (Da Vinci). Il est également depuis 1999 expert près la Cour Administrative d’Appel de Paris.