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Si l’on sait que des facteurs comme les antécédents familiaux, l’âge et l’origine ethnique jouent un rôle dans le cancer de la prostate, il semblerait que le style de vie ait aussi un impact sur l’apparition de cette tumeur.

De nombreuses études ont été menées en ce sens entre 2007 et 2017, s’intéressant au lien entre tabagisme, sexe ou activité physique et l’apparition d’un cancer prostatique. Les données ont été compilées et analysées dans la revue European Urology Focus afin de dessiner le portrait de ces facteurs environnementaux, et tenter de comprendre leur rôle.

Cancer de prostate et tabac

Pour l’heure, les résultats des études sur le sujet restent contradictoires, du moins pour le cancer de prostate. En revanche, les conclusions des essais semblent révéler que le tabagisme a une grande influence sur la sévérité de la tumeur. Le cancer de prostate serait plus agressif chez les fumeurs. Par ailleurs, il existerait une moins bonne réponse aux traitements du cancer de prostate chez les hommes fumeurs. Ces constatations semblent perdurer même après l’arrêt du tabac, pour une durée de 10 ans.

Les analyses de ces constatations sont toutefois modérées. Les patients fumeurs sembleraient avoir une moins bonne observance concernant le dépistage du cancer de prostate ainsi que l’analyse du taux de PSA. Cela signifie que les patients fumeurs sont moins attentifs à leur prise en charge médicale et respectent moins les rendez-vous médicaux et analyses à effectuer. Cette diminution serait de l’ordre de 8 à 12 % chez ces patients, ce qui entraîne de fait un dépistage et un diagnostic plus tardif, lorsque la tumeur prostatique s’est déjà développée à un stade plus agressif.

Par ailleurs, on note que le tabac a un impact sur le développement de la tumeur ainsi que sur l’efficacité des traitements anticancéreux. Le tabagisme entraîne une majoration de l’inflammation des tissus, une mauvaise oxygénation tumorale, et modifie l’expression génétique. Ces mécanismes influent bien entendu sur les résultats globaux obtenus lors des études.

Le tabagisme est un facteur aggravant avéré des cancers génito-urinaires (cancers de la vessie, du tractus urinaire supérieur et cancer du rein).  Les dernières recherches ont établi un lien robuste entre tabagisme et mortalité par cancer de la prostate. D’autres études ont pu établir une corrélation entre intoxication tabagique et volume tumoral, grade plus agressif ou extension extra capsulaire.

Avancées de la recherche sur le lien entre tabagisme et risque de cancer de prostate

Le chercheur B Foerster et ses collaborateurs ont investigué dans leurs recherches l’association entre statut tabagique, nombre de paquets-années (P-A) et récidive biochimique (BCR), évolution métastasique et mortalité spécifique chez des patients présentant un cancer de la prostate localisé, traité par prostatectomie radicale (PR) primaire ou radiothérapie (RT). Les auteurs ont, dans un premier temps, effectué une recherche bibliographique des publications traitant de cette question entre Janvier 2000 et Mars 2017, via les principales banques de données informatisées (PubMed, MEDLINE, EMBASE, Cochrane Library), sans restriction à la seule langue anglaise.
Étaient inclus tous les articles ayant trait à des malades chez qui un cancer de prostate avait été diagnostiqué, dont le statut tabagique était connu et qui avaient bénéficié d’un traitement curatif de première intention. Le but était de comparer le risque chez les fumeurs actifs, les anciens fumeurs et chez les individus n’ayant jamais fumé, en prenant également en compte le risque cumulatif selon le nombre de P-A.

5 157 articles reposant sur un nombre total de participants de 22 549 ont été analysés:

  • 4 202 (18,6 %) étaient des fumeurs actifs,
  • 18 347 (81,4 %) étant catégorisés non-fumeurs (soit anciens fumeurs, soit n’ayant jamais fumé).
  • La médiane de suivi globale a été de 72 mois.
  • La cohorte entière était composée de patients originaires d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie du Sud Est.
  • L’étude de la mortalité spécifique a été possible chez 7 924 patients, dont 654 (8,3 %) ont succombé à leur cancer.
  • Par ailleurs 4 656 (21,4 %) ont eu une BCR.
  • Il est apparu que les fumeurs actifs avaient un risque significativement augmenté, comparativement aux non-fumeurs, de développer une BCR après PR ou RT,

Dans la comparaison fumeurs actifs vs sujets n’ayant jamais fumé, l’association est encore plus marquée : HR à 1,59 ; IC : 1,40-1,80 ; p< 0,001. Les tentatives de corrélation entre risque et intensité de l’exposition tabagique exprimée en P-A ont fourni des résultats divergents.

Trois études ont examiné l’effet de l’arrêt de l’intoxication tabagique, 2 d’entre elles suggérant un bénéfice en cas d’arrêt depuis au moins 10 ans : comparativement à des fumeurs actifs.

Dans deux publications, il a été tenté d’évaluer les risques en fonction du nombre de P-A:
  • L’une aboutit à la conclusion qu’un total de 15 P-A ou plus est significativement associé à un risque accru de mortalité spécifique : HR : 5,82 ; IC : 1,96- 17,30 ; p < 0,001.
  • L’autre ne retrouve aucune corrélation, même pour une dose cumulée de 40 P-A. Dans ces 2 études, toutefois l’ arrêt du tabac est apparu comme un élément protecteur.
L’analyse croisée de ces études démontre que les fumeurs actifs ont un plus haut risque de récidive biochimique, d’évolution métastatique et de décès spécifique que des non-fumeurs. Les anciens fumeurs conservent un risque majoré de récidive biochimique mais non de métastases ou de mortalité spécifique. Il apparait également que l’arrêt de l’intoxication tabagique depuis au moins 10 ans a un effet protecteur vis-à-vis d’une BCR.
Le tabagisme est donc un facteur de risque supplémentaire pour le cancer de la prostate, quel que soit le traitement mis en œuvre, PR ou RT, facteur sur lequel il est possible d’agir préventivement.Quelques réserves doivent toutefois être émises:
  1. Dans plusieurs études incluses, le statut tabagique n’a été détaillé qu’à l’entrée, sans précision durant le suivi.
  2. Ce dernier a été aussi quelque peu limité, eu égard à la longue histoire naturelle du cancer de la prostate.
  3. Des biais ont pu aussi surgir, de par la nature observationnelle et non randomisée de publications sélectionnées dans la revue.

Cancer de la prostate et activité sexuelle

Concernant l’activité sexuelle, plusieurs paramètres ont été évalués. Parmi eux : l’orientation sexuelle, le nombre de partenaires sexuels, l’âge du premier rapport, la fréquence des éjaculations ainsi que la présence des IST (infections sexuellement transmissibles). Les résultats d’une étude semblent démontrer que le risque d’apparition d’un cancer de prostate serait moins élevé en présence de plus de 20 partenaires sexuels, peu importe le sexe.

Cette conclusion semble cependant être modérée par les auteurs de l’étude, qui précisent que ces constatations pourraient être en fait surtout liées à une fréquence d’éjaculation plus importante pour ces patients. L’augmentation de la fréquence d’éjaculation semble en effet réduire les cristalloïdes prostatiques intraluminaux, que l’on associe à une augmentation du risque de développement d’un cancer prostatique. De plus, l’activité sexuelle favorise la diminution de l’activation du système nerveux sympathique central et de la tension psychologique ce qui pourrait limiter la stimulation de la division et la prolifération des cellules tumorales.

Les autres paramètres étudiés (orientation sexuelle, IST…) ne montrent pas de preuves formelles permettant d’affirmer qu’il existe un lien direct avec le cancer de la prostate.

 

Cancer de la prostate et activité physique

Bien qu’il existe quelques analyses divergentes, la plupart des résultats obtenus lors des études s’accordent tout de même à souligner l’impact positif de l’activité physique face au cancer prostatique. Cet impact est notable pour le développement de la tumeur, mais aussi sur l’efficacité des traitements anticancéreux. L’activité physique aurait même un effet préventif chez les patients âgés de 20 et 65 ans, selon une méta-analyse.

Ces constatations peuvent s’expliquer par les effets bénéfiques de l’activité physique sur le corps. Elle permet de réduire le stress oxydatif et les taux circulants de testostérone et d’IGF (insulin-like growth factor), limiter l’inflammation en réduisant l’adiposité, et stimuler la réponse immunitaire, ce qui limite le développement des cellules cancéreuses.

 

RÉFÉRENCES:
  • Brookman-May SD, Campi R, Henríquez JDS, Klatte T, Langenhuijsen JF, Brausi M, Linares-Espinós E, Volpe A, Marszalek M, Akdogan B, Roll C, Stief CG, Rodriguez-Faba O, Minervini A. Latest
  • Evidence on the Impact of Smoking, Sports, and Sexual Activity as Modifiable Lifestyle Risk Factors for Prostate Cancer Incidence, Recurrence, and Progression: A Systematic Review of the Literature by the European Association of Urology Section of Oncological Urology (ESOU). Eur Urol Focus. 2019; 5 (5):756–787. doi: 101,016/j.euf.2018.02.007. PMID: 29,576,530
  • Foerster B et coll. : Association of Smoking Status with Recurrence, Metastasis and Mortality among Patients with Localized Prostate Cancer undergoing Prostatectomy or Radiotherapy. JAMA Oncol., 2018 ; publication avancée en ligne le 24 mai. doi: 10.1001/jamaoncol.2018.1071
  • https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29576530
  • http://www.jim.fr