Sur 71.000 nouveaux cas annuels de cancers de la prostate en France, 10.000 sont considérés comme à hauts risques, c’est-à-dire susceptibles de développer des métastases et de s’étendre aux organes de voisinage.
Les solutions thérapeutiques comportent une succession de traitements, chacun d’entre eux étant introduit dès que l’échec du précédent est avéré. La place des chimiothérapies intervenait classiquement en dernier recours, du fait de leurs impacts réduits sur les durées de vie et de leurs lourds effets secondaires.
Les nouvelles molécules proposées pourraient être prescrites plus précocement ou en association avec d’autres traitements.
Les traitements proposés avant recours aux chimiothérapies
La chirurgie ou le protocole hormono-radiothérapie concomitante sont indiquées en première intention quand un traitement à visée curatrice est possible. La curiethérapie interstitielle, les ultrasons focalisés ou encore la cryothérapie ne sont pas indiqués dans ces formes agressives à haut risque.
Les traitements palliatifs interviennent au stade incurable de la maladie, pour améliorer la qualité de vie des patients sans prolonger leur survie.
Des traitements hormonaux sont alors prescrits en première intention.
Le principe de l’hormono-dépendance du cancer de la prostate a été établi par les travaux historiques de Charles HUGGINS (publiés en 1941) montrant que la castration chirurgicale (orchidectomie bilatérale) a un effet favorable sur l’évolution du cancer métastatique de la prostate. La conséquence directe de l’orchidectomie est un abaissement radical de la testostéronémie à des valeurs résiduelles très basses. En l’absence de testostérone, les cellules tumorales s’atrophient, se vacuolisent et meurent, les métastases osseuses régressent dans les trois mois qui suivent.
Ces traitements hormonaux sont indiqués lorsqu’il existe des symptômes inconfortables altérant la qualité de vie des patients :
- troubles mictionnels et/ou des urines sanglantes (hématuries) en relation avec l’envahissement par le cancer de l’urèthre prostatique ou du plancher de la vessie,
- douleurs osseuses en relation avec la dissémination de métastases osseuses.
La déprivation androgénique peut être réalisée par une castration chirurgicale : orchidectomie, ou pulpectomie bilatérale qui conserve l’enveloppe des testicules mais retire la pulpe qui sécrète les hormones. Cette intervention est rarement pratiquée de nos jours.
La castration est en effet habituellement chimique, réalisée à l’aide de médicaments :
- Les anti-androgènes de première génération bloquent les récepteurs aux androgènes des cellules de l’organisme et notamment celles de la prostate. Certains anti androgènes ont une action périphérique comme le Nilutamide (Anandron ®) ou le Bicalutamide (Casodex ®). D’autres ont une action centrale et périphérique comme l’acétate de cyprotérone (Androcur ®). Ces traitements sont administrés par voie orale ;
- Les agonistes de la LHRH (Luteinizing Hormone Releasing Hormone encore appelée GnRH = hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires) entraînent une suppression de la testostérone sérique par effet d’épuisement des récepteurs de la LHRH. Leur efficacité est considérée comme équivalente de la castration chirurgicale ; de ce fait ils sont devenus aujourd’hui la forme principale d’hormonothérapie en raison de leur action réversible, et donc moins traumatisante pour les patients que la castration chirurgicale. Les molécules utilisées sont la Triptoréline (Décapeptyl ®), la Leuproréline (Enantone ® ou Eligard ®) et l’acétate de Goséréline (Zoladex ®). Ces traitements sont administrés par injections trimestrielles ou semestrielles ;
- Les antagonistes de la LHRH bloquent également l’axe hypothalamus – hypophyse – testicule, abolissant ainsi la sécrétion de la testostérone par les testicules. Il s’agit du Dégarelix (Firmagon®) administré en injections mensuelles;
- Les hormones féminines, les oestrogènes comme le Diéthylstilbestrol (Distilbène ®), qui ont été pendant longtemps le traitement de référence, sont rarement utilisées aujourd’hui en première intention dans cette indication pour antagoniser les hormones mâles. Ils font courir au patient des risques importants de complications thrombo-embolique parfois mortelles (phlébite, embolie pulmonaire).
La radiothérapie a également sa place à titre palliatif, par exemple pour irradier des métastases osseuses douloureuses. Il s’agit d’un traitement focal qui ne peut pas agir sur l’ensemble des zones de disséminations des métastases.
L’éfficacité des traitements hormonaux est limitée dans la durée. Après une période de temps variable, deux ans en moyenne, les patients sont souvent amenés à développer une hormono-résistance : c’est l’échappement au traitement hormonal favorisé par des changements dans l’expression et la structure des gènes qui permettent l’émergence et le développement de nouveaux clones de cellules cancéreuses résistantes à l’hormonothérapie.
D’autres traitements hormonaux de deuxième ligne peuvent alors être administrés pour améliorer la qualité de vie des patients.
Il s’agit de nouvelles molécules d’anti-androgènes dont le chef de file est l’acétate d’abiratérone (Zytiga®). Ces nouvelles molécules antagonistes des récepteurs aux androgènes, et même les toutes récentes comme le MDV3100 (Enzalutamide) ou le RD162, luttent contre l’activation intra-tumorale des androgènes. Leur efficacité a été confirmée et ils sont utilisés soit juste après l’apparition de l’hormonorésistance, soit après échec d’une chimiothérapie de première ligne par des molécules cytotoxiques.
Place des chimiothérapies dans les stratégies thérapeutiques
Pas d’utilisation en première intention
Les chimiothérapies agissent contre toutes les cellules cancéreuses, même sur celles non détectées en imagerie, mais elles ne représentent toutefois pas un traitement de première intention. En effet, les anciennes molécules proposées ont un effet limité : elles agissent seulement pendant la division cellulaire, et leur action se limite donc aux cellules à division rapide alors que le cancer de la prostate progresse lentement.
Elles restent donc peu utilisées et limitées au soulagement des douleurs, car elles n’entraînent pas d’évidentes améliorations tout en générant de lourds effets secondaires.
Ceux-ci sont assez connus : nausées et vomissements, perte des cheveux, stérilité, grandes fatigues, problèmes dermatologiques, …
Les indications actuelles des chimiothérapies
Actuellement, la chimiothérapie ne reste en général le traitement de référence qu’en cas de résistance à la castration (quand la baisse de la testostérone ne permet plus de stopper l’apparition de métastases) ou aux autres traitements décrits précédemment, ainsi qu’en cas de fortes douleurs.
Elle bloque temporairement la progression de la maladie et sa dissémination, en agissant sur les cellules cancéreuses résistantes et en diminuant la diffusion du cancer ainsi que les douleurs qu’il engendre, sans pour autant le guérir. Pour les patients résistants à la castration hormonale, l’Association Européenne d’Urologie recommande ainsi son utilisation immédiate, dès la survenue des premières douleurs.
Place des nouvelles chimiothérapies
– Les nouvelles chimiothérapies du cancer de la prostate font appel à des molécules cytotoxiques, à des thérapies ciblées représentées par les inhibiteurs des tyrosines kinases et les anti-angiogéniques, ou encore aux nouvelles immunothérapies et au Dénosumab.
– La molécule chef de file des cytotoxiques est le Docetaxel (Taxotère®). Associé à la Prednisone ® (corticostéroïde) ou à l’estramustine (Estracyt ® = dérivé d’œstrogène), il permet de prolonger la durée de vie de plusieurs mois et de réduire les douleurs des patients. Ces molécules cytotoxiques sont indiquées comme traitement des cancers de la prostate métastatiques et SYMPTOMATIQUES résistants à la castration, et en cas de métastases viscérales.
– En cas d’échec du docetaxel, les chimiothérapies cytotoxiques de deuxième ligne font appel au Cabazitaxel (Jevtana ®) ou à la Mitoxantrone (Novantrone ®).
Le rythme des cures et leur posologie sont fonction des types de cancer, de l’état de santé et des décisions des patients, ainsi que de leur tolérance à ces traitements.
– Les thérapies ciblées sont testées en monothérapies ou en association aux cyto-toxiques. Les molécules utilisées sont :
- des inhibiteurs des tyrosines kinases comme le Sorafenib (Nexavar ®) ou le Sunitinib (Sutent ®)
- des antiangiogéniques comme le Bevacizumab (Avastin ®)
– Les immunothérapies comme le Sipuleucel T (Provenge ®) sont de véritables vaccins utilisés dans le cadre du cancer de la prostate. Elles sont indiquées en cas de cancer de la prostate métastatique et ASYMPTOMATIQUE résistant à la castration.
– Chez tous les patients présentant des métastases osseuses, la prévention des complications osseuses (fractures pathologiques, compression médullaire ou en cas d’irradiation ou de chirurgie osseuse) est une priorité du traitement. Elle fait appel aux biphosphonates comme l’acide zolédronique (Zometa ®) ou au Dénosumab (Xgeva ®).
Actuellement, seuls 10% des malades français ont recours à la chimiothérapie, mais si les bienfaits des nouvelles molécules se confirmaient statistiquement, elles pourraient être utilisées en parallèle avec la chirurgie, ou directement, en cas de métastases. Par ailleurs, la chimiothérapie pourrait être recommandée en première intention chez les patients risquant de rapidement développer de nouvelles métastases ou de fortes douleurs.
Quelques éléments bibliographiques
Hormonothérapies
Stratégies thérapeutiques en cas de résistance à la castration hormonale
http://urofrance.org/fileadmin/documents/data/PU/2011/v21sS2/S116670871170015X/main.pdf
Effets secondaires des chimiothérapies
http://www.prostatecancer.ca/Prostate-Cancer/Treatment/Chemotherapy?lang=fr-CA#.VUZ7OPntmkp
Place des chimiothérapies dans les Stratégies thérapeutiques
Traitements d’avenir
http://www.current-oncology.com/pages/files/FULL%20final%20french%20reduced%20for%20website.pdf
Le Dr André Philippe Davody est Chirurgien Urologue, inscrit depuis 1984 au tableau de l’Ordre des Médecins de la ville de Paris, spécialiste en chirurgie générale, en chirurgie urologique ainsi qu’en chirurgie robotique (Da Vinci). Il est également depuis 1999 expert près la Cour Administrative d’Appel de Paris.