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Toute suspicion de cancer prostatique  amène actuellement à une biopsie standard transrectale guidée par l’échographie.

Cette biopsie qui permet de recueillir une dizaine de carottes de tissu prostatique comporte deux écueils : sous-détection de cancers de haut grade, cliniquement significatifs, d’une part, surdiagnostic de cancers de bas grade cliniquement non significatifs, d’autre part. Ce surdiagnostic de cancers de bas grade peux avoir des conséquences médicales dévastatrices et injustifiées pour le patient concerné qui ne tire aucun bénéfice d’un traitement ou d’une surveillance inadaptés.
C’est dans ce cadre que l’IRM multiparamétrique offre une alternative à l’approche standard, dans la mesure où une biopsie ciblée n’est en principe réalisée qu’en cas de résultats positifs de l’imagerie en question. L’imagerie par IRM multiparamétrique est capable de remplacer les biopsies prostatiques à répétition durant la surveillance active du cancer de la prostate, avec cependant quelques bémols. C’est ce que révèle une nouvelle étude publiée en novembre 2022.

 

Qu’est-ce que la surveillance active du cancer de la prostate ?

Les médecins peuvent proposer aux hommes diagnostiqués d’un cancer de la prostate à risque faible ou intermédiaire une surveillance active. Cela consiste à mettre en place un suivi régulier avec consultation et dosages du PSA dans le sang pour contrôler l’évolution de la pathologie.

Au cours de cette surveillance active, il est également possible de réaliser des biopsies prostatiques à intervalle régulier. Cet examen peut être douloureux et entraîner du stress chez les patients. Par ailleurs, il existe un faible risque d’infection. Généralement, le cancer de la prostate est une maladie qui évolue lentement. La surveillance active permet alors de ne débuter les traitements curatifs qu’en cas de signes d’évolutivité de la maladie.

 

En quoi consiste une IRM multiparamétrique ?

L’IRM multiparamétrique (IRMp ou IRMmp) est un examen d’imagerie médicale récent qui permet aux professionnels de santé de visualiser la tumeur prostatique depuis l’extérieur. Il s’agit donc d’un examen non invasif. On utilise de plus en plus souvent ce type d’IRM dans le cadre de la surveillance active, ce qui permet de diminuer la fréquence des biopsies prostatiques, notamment chez les patients qui présentent un taux de PSA stable.

La particularité de l’IRM multiparamétrique face à l’IRM traditionnelle est qu’elle analyse la dimension fractale de la glande prostatique d’après un système d’évaluation spécifique (appelé PI-RADS).

Les médecins étudient :

  • Les séquences anatomiques : volume, contours, localisation…
  • Les séquences fonctionnelles (le fonctionnement des tissus). Elles incluent la séquence de diffusion, qui permet de différencier une pathologie tumorale d’une maladie bénigne de la prostate, et la séquence de perfusion qui consiste à injecter un produit de contraste dans le sang.

Concrètement, il s’agit d’un protocole d’IRM plus élaboré, plus abouti, et qui apporte des images plus précises de l’intérieur de l’organe ciblé.

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Comment s’est déroulée l’étude Australienne sur les bénéfices de l’IRM multiparamétrique?

Les chercheurs australiens ont voulu savoir si le recours à l’IRM multiparamétrique pouvait remplacer la réalisation de biopsie prostatique « de confirmation », qui est réalisée chez les patients environ un an après le début de la surveillance active afin de s’assurer que le cancer n’a pas évolué. La question était aussi de s’assurer que l’IRM multiparamétrique était bien capable de déceler une aggravation de la maladie, chose que la biopsie de prostate permet de repérer inévitablement.

Pour leurs essais, les scientifiques ont inclus 172 patients touchés par un cancer de la prostate de risque faible ou intermédiaire. Ces hommes ont passé une IRM multiparamétrique puis une biopsie prostatique. Ils ont ensuite été suivis dans le cadre d’une surveillance active qui a duré 3 ans, avec des contrôles du PSA tous les 6 mois, des touchers rectaux tous les ans, et une IRM multiparamétrique un an et deux ans après le début du protocole. En cas de possible évolution du cancer révélée par un dosage du PSA ou une IRMp, les patients bénéficiaient d’une biopsie de la prostate. Sinon, cette biopsie intervenait à la fin de l’essai (après 3 ans, donc).

 

Une efficacité de l’IRM multiparamétrique en demi-teinte?

L’ensemble des résultats a montré que l’IRM multiparamétrique offrait une meilleure efficacité à exclure une progression tumorale qu’à repérer une évolution du cancer. La probabilité de détection d’une évolution significative de la maladie, impliquant une prise en charge thérapeutique rapide, était de 50 à 57 % par rapport à la biopsie de la prostate. Par contre, L’IRMp montrait correctement l’absence d’évolution du cancer dans 82 % à 86 % des cas.

Ces constatations ont prouvé à l’équipe scientifique qu’une absence d’aggravation du cancer prostatique visualisée à l’IRM multiparamétrique était fiable et ne nécessitait donc pas de réaliser une biopsie de confirmation un an après le début de la surveillance active. En revanche, les patients devraient quand même faire pratiquer une biopsie après 3 ans, en raison de certaines tumeurs prostatiques plus rares qui restent invisibles à l’IRM.

Ils prévoient par ailleurs de continuer la surveillance de ces hommes pour obtenir des résultats sur 10 ans.

Mais d’autres spécialistes insistent sur la capacité limitée de l’IRM multiparamétrique lorsqu’il s’agit de détecter un cancer cliniquement significatif durant la période de surveillance active, bien qu’ils reconnaissent des bénéfices à cette technologie innovante, ne serait-ce que pour espacer les biopsies chez les hommes porteurs d’un cancer de la prostate à faible risque.

Autre étude comparative entre les 2 approches: biopsie d’emblée ou guidée par les données de l’IRM multiparamétrique ?

L’IRM multiparamétrique joue un rôle de filtre et peux éviter les biopsies inutiles, comme le suggèrent les études déjà disponibles. Jusqu’à ce jour, il manquait une étude randomisée de grande envergure, à la fois multicentrique et internationale, pour donner plus de consistance aux hypothèses actuellement autorisées. C’était donc l’objectif de l’étude PRECISION (Prostate Evaluation for Clinically Important Disease: Sampling Using Image Guidance or Not?) qui est en fait un essai comparatif pragmatique de non-infériorité.

Les 500 patients qui ont participé à l’étude PRECISION, présentaient des signes de suspicion de cancer prostatique sur des arguments cliniques ou biologiques, le plus souvent une élévation significative des taux plasmatiques de PSA. Aucune biopsie n’avait été réalisée auparavant.

2 groupes ont été constitués  :

  1. IRM multiparamétrique conditionnant et guidant la biopsie effectuée basée sur les images de l’IRM fusionnées ou non en temps réel à celles de l’échographie ;
  2. Biopsie prostatique transrectale standard d’emblée avec prélèvement systématique de 10 à 12 carottes, guidé par échographie.

L’étude PRECISION menée en 2018 avait pour 1ere critère d’évaluation la proportion des diagnostics de cancer de prostate cliniquement significatifs (score de Gleason ≥ 7). La proportion de cancer de prostate cliniquement non significatifs représentait le critère secondaire.

Dans le groupe IRM (n = 252), 71 patients (28 %) ont pu éviter une biopsie devant l’absence d’arguments diagnostiques nécessaires et suffisants, selon le logiciel Prostate Imaging–Reporting and Data System. Un cancer de prostate cliniquement significatif a été diagnostiqué par la biopsie chez 95 participants de ce groupe (38 %), versus 64 chez les 248 patients (26 %) de l’autre groupe.
Cette étude randomisée, à la fois multicentrique, internationale et pragmatique constitue une avancée indéniable. En l’occurrence, le pragmatisme s’est exercé en permettant à l’opérateur de réaliser sa biopsie avec le protocole d’imagerie de son choix, avec en corollaire une hétérogénéité méthodologique qui est un choix délibéré.

L’IRM multiparamétrique pour éviter les surdiagnostics de cancer de prostate

Face à une suspicion clinique ou biologique de cancer de prostate, l’IRM multiparamétrique en première intention devrait conditionner et orienter la biopsie prostatique. Cette stratégie semble être la plus optimale en termes de maîtrise des coûts et d’efficacité clinique, mais avant de l’implémenter en pratique médicale, les précautions d’usage s’imposent : préciser la sensibilité probablement élevée de la technique (versusé chographie) et répliquer les résultats de PRECISION sur une échelle encore plus grande, dans les conditions du monde réel qui ne sont pas celles des études randomisées.
Il faut aussi intégrer le coût de l’IRM multiparamétrique, en termes de développement, d’équipement, de formation et de fonctionnement, car cette technique sophistiquée n’est pas accessible partout, de sorte qu’on manque de données pour chiffrer avec précision le rapport coût/efficacité. C’est ainsi que les surdiagnostics et les excès thérapeutiques pourront être minorés pour le plus grand bénéfice des patients, des médecins et du système de santé.