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La chirurgie reconstructrice de l’urètre est basée sur la notion de transfert de tissus.

Il s’agit de déplacer des tissus depuis un organe source vers l’organe receveur dont l’état pathologique nécessite la chirurgie de reconstruction.

Chaque tissu a des caractéristiques physiques qui lui sont propres:

  • extensibilité
  • tension interne
  • viscoélasticité

qui sont fonction de l’agencement entre elles des fibres de collagène et d’élastine.

Deux types de transfert de tissus sont disponible.

 

1) Le lambeau libre : « graft »

Il est totalement libéré de l’organe source lors de son prélèvement et il est transféré vers l’organe à reconstruire. Se développe alors vers ce lambeau un nouvel apport vasculaire dans un délai de 96 heures, qui se produit selon deux phases:

  • la phase initiale, d’imbibition, pendant les 48 premières heures
  • la seconde phase d’inoculation, pendant 48 heures également qui est celle au cours de laquelle s’établit une véritable microcirculation vascularisant le lambeau greffé.

On peut opter pour un prélèvement en épaisseur totale – tout l’épiderme et le derme superficiel et profond  « FTSG full thickness » –  ou partielle – l’épiderme et la partie superficielle du derme « STSG split thickness » –  du tissu à prélever.

Lambeau libre graft

Les lambeaux libres qui ont été utilisés avec succès pour reconstruire  l’urètre sont des lambeaux en épaisseur totale de:

  • peau de la zone génitale ou de régions anatomiques extra-génitales,
  • urothélium de vessie : propriétés favorables du point de vue vasculaire,
  • muqueuse buccale : propriétés excellentes et optimales du point de vue vasculaire. Sont utilisées la muqueuse interne de la joue, la muqueuse interne de la lèvre ou la muqueuse de la langue.
  • muqueuse rectale,
  • plus anecdotiquement: uretère, vaginale scrotale.

 

2) le lambeau pédiculé: « flap »

Le tissu est prélevé depuis l’organe source et transféré vers l’organe receveur avec son pédicule vasculaire. Le pédicule artériel et veineux vascularisant le greffon a été préservé intact par la dissection, ou il été anastomosé par microchirurgie sur le site receveur.

Dans la chirurgie reconstructrice de l’urètre antérieur, une méta analyse a prouvé que les résultats des lambeaux libres étaient équivalents à ceux des lambeaux pédiculés.

La muqueuse buccale  comporte un épais épithélium de cellules squameuses , non kératinisées, recouvrant une fine lamina propria. Elle héberge de très nombreux micro-organismes et de ce fait la réponse inflammatoire qu’elle développe vis-à vis des bactéries notamment est minimale. Il existe de multiples processus immunologiques intrinsèques à la muqueuse buccale qui la rendent insensible et imperméable à la flore bactérienne habituelle de la bouche.

Des études histologiques ont démontré que la muqueuse buccale était hautement compatible avec  les tissus de l’urètre. Avec le temps, les tissus du greffon oral ne peuvent plus être distingués des tissus urétraux avoisinants . L’architecture des tissus de la muqueuse orale est très voisine de l’épithélium squameux multi stratifié de l’urètre pénien et bulbaire.

Mieux vaut éviter de prélever au niveau de la lèvre car cela peut entrainer des difficultés à sourire ou à mastiquer, voire des conséquences péri-odontales.

Il est donc largement préférable de prélever au niveau de la face interne de la joue, soit à droite, soit à gauche, soit des deux côtés en fonction des besoins de la reconstruction urétrale.

Le chirurgien doit s’assurer que le tissus à partir duquel le lambeau est prélevé est sain et qu’il n’y a pas de pathologie au niveau de la bouche.

Il doit également avoir des repères anatomiques et doit impérativement respecter, tant au moment de l’incision qu’au moment de la suture de la plaie après le prélèvement du lambeau, le canal de STÉNON qui draine la glande parotide.

 

Prelevement lambeau

 

La face inférieure de la langue est une autre excellente  alternative pour prélever des tissus au niveau de la cavité buccale.

 

Prelevement tissus cavite buccale

 

Les avantages des prélèvements de tissus au niveau de la cavité buccale sont:

  • la facilité de l’accès, l’absence de poils ou de cheveux,
  • la richesse de la vascularisation au niveau de la bouche, qui facilité la rapide revascularisation du greffon dans sa nouvelle implantation,
  • l’excellent résultat cosmétique au niveau du site de prélèvement dans la bouche,
  • le lambeau est très élastique et se rétracte peu,
  • il conserve après le transfert les propriétés d’élasticité du tissus originel,
  • on ne rencontre pas au niveau du méat urétral des problèmes d’excoriations,d’incrustations ou de prolifération anarchique comme on en a vu fréquemment avec l’utilisation de la muqueuse vésicale,
  • le lambeau de muqueuse buccale possède une grande résistance à l’infection et aux traumatismes et un pouvoir élevé de régénération,
  • l’architecture de la muqueuse buccale se caractérise par un épithélium stratifié épais et une fine lamina propria, ce qui donne une consistance au lambeau et permet de le manipuler facilement pour les besoins de la chirurgie; par ailleurs cela permet également une revascularisation rapide de ce lambeau.

 

Les inconvénients sont:

  • la quantité de tissus obtenue par prélèvements dans la cavité buccale est insuffisante pour reconstruire un long tube susceptible de remplacer l’urètre,
  • il peut se produire une contracture inesthétique à l’angle de la bouche si le lambeau a été prélevé trop près de cet angle,
  • les branche superficielles du nerf facial sont exposées à des blessures au cours de la dissection pour la prise du lambeau,
  • la récidive de la sténose et les fistules restent susceptibles d’être observées avec l’utilisation des lambeaux libres de muqueuse buccale de même qu’avec tous les types de lambeaux libres ou pédiculés.

 

Il n’en reste pas moins qu’objectivement et subjectivement, la muqueuse buccale est un matériau très satisfaisant pour la reconstruction de l’urètre. Cela est probablement du à la présence de facteurs de croissance dans la muqueuse  orale qui favorisent une cicatrisation rapide et une revascularisation rapide du lambeau.

 

Quelques références bibliographiques:

1) Surgery of the penis and urethra

Ch. Reading . By Dr Ali Al Amiri R2 Academic Day

http://slideplayer.com/slide/3853971/#

 

2) Oral Mucosa Harvest: An Overview of Anatomic and Biologic Considerations

Michael R. Markiewicz a,*, Joseph E. Margarone IIIb, Guido Barbagli c, Frank A. Scannapieco d eau-ebu update series 5 (2007) 179–187

 

3) Oral Mucosa Graft: An Ideal Substitute for Urethroplasty

Maged Ragab and Hossam Haroun

Tanta University, Tanta EGYPT

http://www.intechopen.com/

 

4) The First Oral Mucosal Graft Urethroplasty Was Carried

Out in the 19th Century: The Pioneering Experience of Kirill Sapezhko (1857–1928)

Igor Korneyev a,*, Dmitry Ilyin a, Dirk Schultheiss b, Christopher Chapple c

EUROPEAN UROLOGY 62 (2012) 624–627